La ligne de démarcation du marché locatif néerlandais
Le seuil de libéralisation des loyers, connu en néerlandais sous le nom de huurprijsliberalisatiegrens ou simplement liberalisatiegrens, est sans doute le concept le plus important du droit locatif néerlandais. Il s'agit d'un montant précis de loyer mensuel, indexé annuellement par le gouvernement, qui sert de ligne de démarcation entre deux réalités juridiques et économiques fondamentalement différentes : le secteur locatif réglementé et le secteur libre (vrije sector). Ce seuil n'est pas un prix qui peut être choisi à volonté; il est directement lié au score de qualité objectif de la propriété tel que déterminé par le système officiel d'évaluation du logement (Woningwaarderingsstelsel, ou puntentelling). En 2024, par exemple, le seuil était de 879,66 €. Si le score de points d'une propriété détermine un loyer légal maximal inférieur à ce montant au début d'un nouveau bail, la propriété est légalement dans le secteur réglementé. Si ses points justifient un loyer de départ supérieur à ce seuil, il est 'libéralisé' et tombe dans le secteur libre.
Cette distinction a des conséquences profondes. Dans le secteur réglementé, les locataires bénéficient de protections étendues : le propriétaire ne peut jamais exiger plus que le loyer maximal fixé par le système de points, et les augmentations annuelles de loyer sont strictement plafonnées par le gouvernement. Dans le secteur libre, ces protections s'évaporent. Le propriétaire est libre de fixer tout loyer initial que le marché peut supporter, et les augmentations annuelles de loyer sont bien moins restreintes (généralement liées à l'inflation plus une petite marge). Le seuil de libéralisation est donc la porte d'entrée d'un système de protection sociale vers un système de tarification guidé par le marché.
Le droit du locataire de contester
L'aspect critique, et souvent mal compris, du liberalisatiegrens est qu'il s'agit du score objectif de la propriété, et non du loyer indiqué dans l'annonce, qui détermine son statut juridique. Cela crée un droit puissant et limité dans le temps pour les nouveaux locataires. Une situation courante consiste à ce qu'un propriétaire fasse la publicité d'un appartement à un prix du secteur libre, disons 1 300 €, en espérant que le locataire n'en fasse pas question. Cependant, si le score de points réel de l'appartement est inférieur au seuil pour cette année, il s'agit légalement d'un bien réglementé, indépendamment du loyer indiqué dans le contrat. Un nouveau locataire dispose d'une période cruciale — jusqu'à six mois après le début de son contrat — pour saisir le Tribunal des loyers (Huurcommissie) afin d'effectuer une évaluation officielle des points. Si le Tribunal confirme que la propriété est en dessous du seuil de libéralisation, il a le pouvoir légal de réduire de façon permanente et rétroactive le loyer au prix réglementé correct et inférieur. Cela rend la compréhension du concept de liberalisatiegrens non seulement un exercice académique, mais aussi un outil potentiellement puissant pour les locataires afin de contester des loyers illégalement élevés et de sécuriser leurs droits sur un marché où les règles sont souvent pliées en faveur des propriétaires.



















